Puissance des percussions
Un film documentaire sur les origines et significations des percussions traditionnelles du Sénégal,
depuis leurs rôles primordiaux dans la société jusqu’à la spiritualité reconnues de ces instruments.
Le projet émane de la volonté de Cheikh Ma Djimbira Ndiaye alias Ndigueul Mc, griot wolof, de faire connaître
l'identité profonde des percussions en dévoilant leurs origines et leurs dimensions sacrées à travers un film documentaire.
En tant que griot, ses connaissances et son savoir lui ont été transmis par ses parents et maîtres eux-mêmes instruits par leurs ancêtres, oralement bien sûr. C’est un patrimoine que le réalisateur souhaite sauvegarder sinon transmettre. Des percussions qui ne se limitent pas à une simple fonction musicale, souvent banalisée et formatée par certains touristes occidentaux en mal d’exotisme comme avec le djembè, mais s'inscrit dans un processus complexe, depuis leurs fabrications jusqu’à leurs utilisations.
Pendant des mois, l'équipe a parcouru le Sénégal à la recherche de chasseurs, d'éleveurs, d'artisans, de guérisseurs, de musiciens, de griots, de scientifiques, de thérapeutes, de lutteurs pour explorer l'histoire de ces tambours, et ce depuis leurs conceptions et fabrications. En effet les matières qui constituent les percussions ne sont pas choisies au hasard et répondent à tout un savoir faire, un rituel de fabrication, d'utilisation qui est intimement lié au sacré. Le bois, les peaux, les baguettes, les cordes, toute matière composante des percussions est extraite de la nature d’une façon traditionnelle et rituelle pour ensuite se confondre dans un instrument qui aura ensuite une fonction mystique et thérapeutique plus que simplement ludique.
Les tambours ont un rôle dans la société sénégalaise. Mais d'où viennent-ils ? Comment se procure-t-on la baguette du sabar, la peau du varan qui servira à la fabrication de la tama au son si particulier ? Qui sont-ils ? Comment les fabrique-t-on ? Que représente leur présence dans les cérémonies de lutteurs ? Dans les fêtes religieuses ? Dans les rituels du N’döep ?
Ne dit-on pas en Afrique que « lorsqu'un ancien disparaît, c'est comme une bibliothèque qui brûle» ? Les anciens ne sont pas éternels, et leurs connaissances sont des trésors. C'est dans un sentiment d'urgence, que le réalisateur a pris ainsi l'initiative de former une équipe en janvier 2009 et amorcé un long tournage en partenariat avec la société NNR. Pro. Equipée d 'une simple caméra 5d et d'une perche son, l'équipe part recueillir de premiers témoignages. Bruts, réels, spontanés, les sujets et les personnages font acte d'une présence naturelle et dévoilent, expliquent leurs savoir-faire.
Les premières images montrent des anciens dont certains ont disparu aujourd'hui. Du plan général au plan rapproché, les captations définissent tout d'abord l'espace, plantent l'atmosphère de chaque séquence en construisant un lien indissociable avec la nature. Les émotions des personnages sont mises en exergue, par des plans fixes ou rapprochés, pour ne rien perdre de ces porteurs de paroles. Les actions rituelles des personnages sont filmées ainsi que chaque détail utile à la compréhension de la percussion.
Ce film est un hommage au savoir ancestral menacé par une société en mutation dont la jeunesse se raccroche aux hautes-technologies et s'identifie à un modèle occidental, au détriment d'un patrimoine oral en danger. Pour le réalisateur, il s'agit d'un devoir et d'une urgence.
Trailer ante post-production
Quelques extraits vidéos avant post-production:
- Rythme Tabala pour le divorce chez les Maures
- Assemblage du tama : un équilibre entre technique et mystique
- Balabougou le village des chasseurs des varans
- Rituel du Tambour major du roi des arènes
- Le bûcheron sur le chemin de la transmission
Equipe
Concept, réalisation, écriture : Cheikh Ma Djimbira Ndiaye
Script & scénario : Ken Bugul, Amina Seck
Co-écriture :
Sawdiatou Kane, professeur en littérature et civilisations africaines, DEA, UGB;
Seynabou Dramé, sociologue, DEA, UGB;
Cheikh Mouhamadou Djimbira, écrivain documentariste.
Mohamed Djimbira, Charlotte Simonot
Caméra : Sidy Gueye, Samba Ndiaye, Jean Diouf
Cadreur et pilote de drone: Ibrahima Diome
Ingénieurs son : Papis Seck, Ivor Placca, Daouda Djiba
Montage : Carlo Mazzotta, Aliou Ndemane
Musique : Ngueweul Rythme
Administration : Aliou Mané
Post production : Génération Image
Directeur de Production : Ndakhté Ndiaye
Partenaires
Transporti Marittimi, Écho des Avens (F), Mairie de Kébémer (SN), Festival Jazzebre (F), Esprit d'Afrique, Wiarda consulting. Le tournage amorcé en auto-production s'est réalisé grâce au soutien du NNR PRO Studio.
Avec le soutien du Fopica (SN).
Un premier partenaire diffuseur en France : Geode 360.
Partenaires en attente
L'institut français de Dakar et de Saint-Louis. (Production et diffusion)
Organisation internationale de la francophonie. (Production)
La cinémathèque de Toulouse en France. (Diffusion)
Planning de tournage
Le tournage a démarré en 2009 et s'est poursuivi au fil des recherches et des rencontres en 2011 et 2016 au cours de 6 semaines de tournage. Janvier 2020 ont vu 2 semaines de tournage consécutives. Les dernières périodes de tournages sont prévues au printemps 2024.
Fiche Technique
Titre : Puissance des percussions
Durée : 90 '
Auteur-Réalisateur : Cheikh Ma Djimbira Ndiaye
Producteur : NNR Pro Studio
Genre : Documentaire
Lieux : Afrique, Sénégal
Contact
Cheikh Ma Djimbira Ndiaye alias Ndigueul Mc
Téléphone: +221 77 438 51 98
Son groupe musical: Ngueweul Rythme
Album compilation de rythmes sénégalais
Quelques liens:
Le Petit Journal
TV5 Monde
BBC News
Soutenir Cheikh Ma Djimbira Ndiaye dans la réalisation de son film
Aide & sponsorship: ici
Quelques photos de tournage
Quelques éléments rédactionnels.
Sabar, Tama, Khine, Tabala: quelques uns des tambours sacrés africains.
Depuis toujours l'Afrique a développé ses croyances spirituelles traditionnelles. Mais au fil du temps elle a connu l'influence de religions venues d'ailleurs. C'est par un syncrétisme évident que certaines pratiques ont survécu. Ainsi, le sabar, la tama, la tabala, le khine, entres autres, accompagnent de nombreuses cérémonies traditionnelles et religieuses en y occupant une place primordiale.
Le sabar est un instrument de musique que l'on retrouve dans la tradition sénégalo-gambienne. C'est aussi un moyen de communication. D'après les ancêtres le son des sabars voyageait de village en village. Quand un message était destiné à un lieu trop éloigné, les griots des différents villages se relayait l'information jusqu'au village où elle était destinée et seuls les initiés étaient en mesure d’en decoder le message.
Le sabar est aussi un ensemble de percussions qui forme une batterie jouée par sept personnes (nder, mbëng mbëng, mball, talmbat, lamb, gorong et toungouni). On le joue avec une baguette extraite du dattier du désert (soump), un arbre aux vertus médicinales. Ses pointes piquantes sont utilisées pour conjurer le mauvais oeil chez la femme enceinte, au moment où le ventre devient saillant, à partir de sept mois, tandis que la tige est utilisée comme cure-dent.
L'instrument a sept chevilles en référence aux sept différentes notes. Chaque cheville doit posséder sept ouvertures, créant une symbolique de sept fois sept renvoyant aux sept jours de la semaine et aux sept cieux. Il existe ainsi sept différentes notes magiques que l'on appelle ''juroom niaari galegn'' qui intronisent un roi, annoncent qu'une vierge a passé sa noce nuptiale avec honneur, initient des des jeunes lors de la cérémonie de circoncision, etc...
Le sabar est fabriqué à partir de la peau de chèvre, un animal mystique. Un animal qui n'est pas aussi docile que le mouton et possède un cri plus aigu que la plupart des autres animaux. C'est l'animal que l'on sacrifie lors des cérémonies rituelles animistes pour contenter les esprits.
Dans les séances de lutte, le sport national sénégalais bien avant le football, le sabar est un instrument primordial. Les lutteurs ont la profonde conviction que sans certaines notes spéciales, les esprits ne seront pas en leur faveur, et ainsi, que leurs gris-gris ne fonctionneront pas. Il existe ainsi des rythmes que l'on défend à une vierge de danser parce que cela lui attirerait la malchance. Le sabar ne peut en aucun cas faire office de siège, et parmi ses vertus, dans la croyance populaire, celui qui assiste à la fabrication du sabar aura une longévité assurée et sera touché par la chance. Enfin, une baguette de sabar cassée en pleine cérémonie sera utile pour protéger les foyers. Un exemple de break sacré: " mbaara bouki, ku ci xamul mbaar degg nga sabbbinu mbaar, mbaara bouki".
La tama est un instrument utilisé dans la tradition ouest africaine pour galvaniser les souverains. Il est fabriqué à partir de la peau d'un varan, toujours capturé après les récoltes de l'arachide durant la saison des pluies, de manière spéciale et avec des invocations très particulières. Certaines familles au Sénégal n'ont pas le droit de toucher à cet animal, même mort, car c'est leur totem, leurs ancêtres ayant fait un pacte avec l'animal.
Sa connotation religieuse repose sur le fait qu'il soit utilisé durant les cérémonies de " n’döep" (rituel consitant à soigner des personnes affectées par des problèmes psychiques et mentaux) ou scéances d'adorcisme.
Cela fait partie intégrante des religions traditionnelles africaines. Ainsi, les malades entrent en transe aprés quelques rythmes de tama pour communier et contenter les êtres surnaturels, pour se dégager de leurs maux.
L'instrument est fait à partir d'un bois extrait du poirier du Cayor, la peau du reptile est l'élément principal tandis que la peau de chévre sert de cerceau. Aprés un passage chez le sculpteur, les deux trous qui forment les extrémités sont absolument cachés et personne n'a le droit d'y regarder. Ainsi, une tama est construite dans un isolement total.
La baguette est taillée à partir du tamarinier, un arbre réputé pour abriter certains génies et en cela on dit "quand les génies ont envie de tamarin, celui qui s' aventure à monter le tamarinier risque une chute mortelle".
Un exemple de break trés populaire est "Sa ndiaye djiné, djiné kham sa keur té khamo keureum, sandiaye djiné", un rythme exorciste car l'individu reconnait sa faiblesse face aux génies en affirmant "sandiaye danse desdjins, djins"-"connait ta demeure et tu ignores la sienne sandiaye djins". On implore ainsi l’esprit malin à sortir du corps de l'être humain.
Le khine est de la même famille que le sabar mais il s' est développé avec l'avènement de l'idéologie Baye Fall.
Il a la forme du lamb, leur différence se trouvant dans la caisse de résonnance, celle du khine étant ouverte.
Le mouvement "Baye Fall" est une branche du mouridisme, une confrérie musulmane née au Sénégal au xxeme siècle basé sur l'adoration du Seigneur et le travail. Au fil du temps, après avoir embrassé le culte Baye Fall les Sérères ont accompagné leurs incantations de khines pour harmoniser leurs traditions avec la religion. Le khine est resté spécifiquement l'instrument qui accompagne leurs chants religieux. On reconnait les "baye fall" par leurs boubous multicolores (ndiakhasses), leurs locks (ndiagn) et leurs grandes ceinture attachées à la taille.
La peau vient de préférence de celle d'une biche car plus résistante, elle dure plus longtemps. Cette peau est aussi préférée car la biche entre dans l'histoire du prophète Mohamed, ce dernier l'ayant délivré des mains d'un chasseur pour quelle puisse continuer à allaiter ses petits.
"yaa gnuy mom, bagnuy dund ak ba gnuy dee yeup yaa gnuy mom" est un break qui commence les chants "baye fall" renouvelant l'acte d'allégeance de la confrérie envers le fondateur du mouridisme.
La tabala, une antique tradition arabo musulmane. La tabala servait à annoncer un mariage du temps du Prophète. Septs coups de tabala annonceront un mariage tandis que trois coups matinaux affirmeront un divorce.
La tabala a aussi été un instrument admis lors de l'accueil du Prophète à médine lors de l'hégire. Dans certaines contrées, il est encore actuellement frappé lors de l'appel à la priére. Les khadres (confrérie sénégalaise) l'utilisent pour accompagner leurs zikrs (évocation et répétition rythmique au cœur de la pratique du soufisme).
C'est obligatoirement un homme qui fabrique l'instrument et ce après plusieurs sacrifices rituels (cola, dattes, sucre, biscuits). Pour la première fois on n’en jouera pas un mardi ni la fabriquera ce jour. On n’en jouera pas non plus sans faire au préalable ses ablutions. On peut être sûr de pouvoir savourer les mélodies de tabala tous les jeudis et certains samedis dans les foyers religieux khadres (confréries musulmanes nées à Bagdad au XII éme siécle) mais aussi lors des cérémonies de retour de la Mecque des pèlerins.
Certains érudits déclarent que "lorsqu'on joue les tabalas khadres, on les entend dans les hauts cieux". La peau de bovin utilisée est toujours récupérée lors d’une grande cérémonie (funérailles d'un savant religieux, d'un héros, célébration des grandes nuits religieuses).
Exemple de break fréquent chez les khadres, puisé du Saint coran: “Fi zujaajatun zujaajatun ka anna haa kaw kabun durriyun”.
La baguette que l'on utilise pour en jouer est appelé kéle, du nom de l’arbre grewia bicolor. Plusieurs imams en Afrique de l'Ouest la tiennent durant leurs prêches, ainsi que les bergers pour leurs troupeaux. Grâce à sa solide rigidité les aveugles l’utilisent pour se guider et les personnes âgées comme canne. Il s’agit d’un arbre aux vertus protectrices, de conjuration du mauvais sort; une croyance profonde chez les berger peulh.
Photos du N'döep à Bargny, Guereo & Rufisque:
Copyright Gianna Greco & François R. Cambuzat